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ENTRE DEUX RIVES 

la passerelle France - Orient 

La Croix de Mésopotamie

MAHER HARBI UN PEINTRE CHRETIEN IRAKIEN DE MOSSOUL

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Ce tableau a été exposé au couvent de Mossoul en 1987. Le seul peintre chrétien parmi les vingt peintres irakiens de l'université de Mossoul. Un esprit de tolérance et d'ouverture entre les différentes communautés favorisait à l'époque le dialogue interreligieux et la paix plus particulièrement dans la ville de Mossoul appelée «ville des prophètes» puisqu'elle abritait les mausolées de plusieurs prophètes reconnus par les trois religions monothéistes, juive, chrétienne et musulmane. Parmi eux, Jonas ou Younis (Thannoun fils du poisson en arabe).

Pour nous français qui sommes à juste titre fiers de notre laïcité, nous devons reconnaître et soutenir les régimes qui ont su maintenir ainsi l'équilibre entre les communautés permettant la liberté relative.

Ces dernières semaines, Daech a démoli toutes les mosquées et mausolées de Jonas, Georges (Jerjes) et défiguré les façades des églises.

Maher harbi vient de décéder. Ce grand personnage, symbole de la tolérance avait peint ce tableau qu'il avait intitulé «La croix de Mésopotamie». En hommage à cet ami je voudrais que les lecteurs puissent partager la grande espérance des chrétiens d'Orient.

Ayant survécu à deux tentatives d'assassinat, Maher s'est finalement réfugié en Syrie, puis il est rentré en Irak au début de la guerre en Syrie en 2013. Il faisait partie d'une association rassemblant des artistes de toutes confessions et athées, qui se réunissaient une fois par semaine pour discuter de leurs ateliers et de leurs expositions. Toute l’œuvre artistique de Maher Harbi s'imprègne de la culture mésopotamienne depuis Sumer et Babylone en passant par l'Assyrie et Ninive jusqu'à l'époque contemporaine.

J'ai découvert cette œuvre lorsque j'étais dominicain au couvent de Mossoul. A l'occasion de la visite du provincial, le frère Jean-René Bouchet, en 1987, Maher Harbi avait exposé son tableau dans la galerie du couvent. La Croix de Mésoptamie se trouve désormais chez le frère Nicolas-Jean SED au couvent Saint-Jacques (rue des Tanneries), à Paris.

Pour réaliser son tableau, l'artiste s'est inspiré du récit de la Création des deux premiers chapitres de la Genèse. Le Tigre et l'Euphrate, deux fleuves, parmi les quatre dont parle la Bible, traversent le jardin d'Eden et irriguent la terre de Mésopotamie. Y plongeant ses racines, le palmier (arbre du sud irakien) représente la vie qui ne meurt pas, malgré la sécheresse et les chaleurs torrides. Symbole de notre pays, le palmier, toujours vert, est l'arbre irakien par excellence.

Dans l'arbre est incrustée une croix typiquement orientale. L'artiste s'inspire ici d'une sculpture assyrienne des palais de Ninive et de Nemrod, ornée de palmiers, et de l'arbre de vie symbole de l'immortalité, allusion à l'arbre planté au milieu du jardin d'Eden. La croix est incrustée dans le palmier pour signifier qu'elle est faite du bois de cet arbre. Le peintre renvoie ici aux hymnes sur le paradis de saint Ephrem le Syriaque, grand patron des églises orientales, syriaque et chaldéenne (mort en 373), qui fait un parallèle entre le bois de l'arbre du jardin d'Eden ayant causé la mort d'Adam. Ce même bois a servi à faire la croix qui engendre la vie. Enfin, les deux grappes de raisins suspendues à la croix, pressées, symbolisent les oppressions que mon peuple subit et vont être le vin, symbolisant le sacrifice du Christ et de la messe ainsi que la souffrance du peuple irakien.

En haut de l'arbre et de la croix, se trouve le disque solaire qui représente l’hostie faite du pain qui vient des champs de blé de la plaine de Ninive si fertile et généreuse. Il évoque aussi le disque solaire du drapeau kurde (écho peut-être des Zoroastriens).

Les versets en calligraphie syriaque orientale (le chaldéen) qui entourent le palmier et la croix sont tirés de l'évangile selon saint-Marc chapitre 15, qui relate la crucifixion et les dernières paroles de Jésus: «Et ils mènent au lieu-dit Golgotha, ce qui signifie lieu du Crâne. Ils lui donnèrent du vin mêlé de myrrhe, mais il n'en prit pas. Ils le crucifièrent, et ils partagent ses vêtements, en les tirant au sort pour savoir ce que chacun prendrait. Il était neuf heures quand ils le crucifièrent...

Et à trois heures, Jésus cria d'une voix forte: «Eloï, Eloï, lama sabaqtani?»

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